4.18.2012

Moment (2).

Ce texte ne fera pas grand chose pour ma popularité. Au contraire. Il va m’attirer des critiques féroces et des insultes, on va m’appeler de tous les noms, certains voudront m’aligner à côté des votants de droite et j’en finirai dans un état piteux, le tout pour dire ce qui suit :

« Tant que les habitants de ce pays n’assumerons pas notre part aliquote de responsabilité pour tout ce qui nous arrive, rien ne changera. »

« Jusqu’au moment où chacun de nous accordera, octroiera ou au moins reconnaîtra quelque part de raison dans les arguments de l’adversaire, rien ne changera. »

« Jusqu’au jour où nous déciderons de ne plus perdre de temps pour déceler qui est le coupable de tous les malheurs en nous mettant à la fois tous au boulot, laissant les débats rhétoriques –donc inutiles- pour l’heure du café, rien ne marchera. »

« Tant que nous ne nous emploierons pas en corps et âme pour faire notre travail –celui de tout un chacun, soit-il important ou au contraire très modeste- de la meilleure façon possible et ce malgré les éventuels manques ou erreurs du voisin, nous ne nous en sortirons pas. »

« Tant que nous ne laisserons de côté la conviction d’être en possession de la Raison –avec erre majuscule- tout en reconnaissant que d’autres raisons sont possibles et même convenables, nous serons un pays pathétique. »


Je renforce avec tout cela une ligne de pensée que je mets souvent sur le zinc : la responsabilité de ce qui nous arrive, de la gravité de la crise qui nous étouffe, du drame du chômage massif et de la désorientation généralisée est l’affaire de tous les habitants de cette terre.

Qui dispose d’un grand pouvoir de décision est forcément plus responsable que les autres, mais ceux qui en ont moins ne peuvent montrer du doigt « ceux d’en haut » sans l’exercice d’honnêteté préalable d’assumer ses propres erreurs.

En ce moment, au milieu du bruit chaotique des décisions urgentes et des raccourcis prétendument salutaires, la bagarre continue entre ceux qui défendent leurs versions personnelles de « la solution ». Une solution miraculeuse qui devrait tout remettre en place de forme instantanée, mais au sujet de laquelle nous n’avons ni exemples ni formules issues du sens commun.

Le pays est épuisé, vide, sec. Qui a des recours vit mieux, qui n’en a pas subit des difficultés. Comme toujours. Comme toute la vie.

Le mirage de ce que nous appelons « la société du bien-être » doit être repensé sur des bases réalistes, ce qui suppose comme premier pas la reconnaissance de ce qui a été mal fait.

Personne, ni le gouvernement, ni l’opposition, ni les mouvements qui se disent en marge de la politique conventionnelle, personne n’apporte rien de plus que des solutions qui flattent leur clientèle et ne sont valables que dans le cercle limité des coreligionnaires ou même, souvent, de leur propre domicile.

Réponses de vol court, étrangères à la générosité et la grandeur de ce qui est publique.

Pour les mêmes raisons personne n’accorde la moindre crédibilité aux propositions des autres, quelles qu’elles soient.

De la somme de toutes les idées, solutions, propositions et doctrines en jeu en sortiront les voies qui mènent vers la fin du tunnel, vers l’amélioration, vers les accords pour vaincre les difficultés actuelles. Au prix, nous nous en doutons, de laisser la prétention et le premier rôle sur le palier, de ne plus croire que nous détenons en exclusivité la foutue raison et d’admettre la possibilité d’autres raisons et d’autres formes d’aborder le problème.

D’autres légitimités qui, additionnées à celles de chacun de nous, vont rendre plus vivable la société, en ce moment sérieusement compromise.


Pierre Roca