12.16.2012

Roux.


Le roux est une base de cuisine des plus classiques. Matière grasse dans un recipient à petit feu, farine, et tourner attentivement avec un outil en bois ou en silicone jusqu’à ce que le mélange prenne une belle couleur dorée.

Dans le cas qui nous occupe, Roux est le nom de famille de Serge Roux, styliste culinaire dont vous avez vu les créations á la télé dans bon nombre de pubs.

Le milieu cinéma, et plus spécialement celui du cinéma publicitaire, n’est pas précisément un havre d’humilité. Presque tout le monde s’y considère exceptionnel, spécial et bien au dessus du reste des habitant de la planète.

Pour cette raison, entre autres, Serge Roux est un « rara avis », un personnage qui démonte les idées préconçues à force de normalité, de naturel et d’un charme absolumment spontané et vrai qui le situe au delà des schémas habituels.

Du point de vue professionnel c’est un des meilleurs dans son métier, qui consiste à créer des images appétissantes de mets, denrées et produits alimentaires que le spectateur va vouloir avaler de suite.

Son équipe est remarquable. Elyssa Roux –sa soeur ou sa cousine, allez savoir- jeune fille dont le sourire permanent fait craquer l’ambiance généralement tendue des plateaux, est une très efficace collaboratrice, attentive aux gestes, décisions et ordres de son aîné et patron. L’autre pilier de l’équipe est le directeur photo, qui était quand je les ai connus Jean Poisson, un personnage calme aux silences expressifs qu’il renforce d’un langage gestuel clair et précis.

Une méchante équipe, je vous l’assure.

Avec les mots justes, les gestes indispensables et la modestie des génies, les trois font dans le chocolat, la sauce tomate, le hamburguer, le fromage ou le saucisson premier choix, arrivant à des résultats qui ne peuvent qu’émerveiller.

En plus de sa facette de « food stylist », le petit groupe double la performance avec des effets spéciaux mijotés à la maison. Des appareils conçus, construits et maniés par Serge pour que les différents ingrédients d’un plat arrivent en volant ou le verre de vin atterrisse sans dommage entre deux assiettes ou le café que prend monsieur Clooney joue les danseurs en forme de goutte d’une esthétique rare.

Les Roux apparaissent dans le chaos organisé du tournage avec une valise en rouge délavé où ils transportent les outils qui vont opérer le miracle, l’accent parigod et l’apparente naïveté de leur sympathie bon enfant. Du tout simple. Du vrai.

Après, tout tourne autour d’eux. Les électriciens, les monteurs, l’équipe de production et les clients –une dizaine de jeunes inexpressifs dans la trentaine désabusée- et le personnel auxiliaire, les assistants, les « runners » et autres petits métiers de ce monde en vase clos.

On peut lire le scepticisme dans leurs regards quand Serge tend des fils en nylon ou déballe des aiguilles-à-coudre ou fait des essais pour déceler les erreurs, qu’il corrige pour recommencer et faire que l’éclaboussement du verre de Coca tombe du bon côté.

Dix ou douze ou quinze heures après leur arrivée le groupe sauvage des Roux remplit de nouveau la malle de son techno-barda et quitte les lieux en saluant, le sourire aux lèvres, tous ceux qui avons eu la chance de les connaître.

Une très bonne leçon d’humilité, je vous l’assure.


Pierre Roca


Serge Roux
www.foodroux.fr